mardi 30 décembre 2008

ALIENATION ET PLAISIRS


L'Aliénation.
J'ai lu quelque part que ce mot tombait dans l'oubli : il n'est plus à la mode.
Mais la notion, elle, se porte bien, contrairement au mot.

Sans savoir encore où elle commence et où elle finit, l'aliénation est bien là et nous tient fermement. Invisible, elle est cette sensation d'emprisonnement, d'étouffement, un harnais qui nous dirige et qui nous dit quoi faire. C'est une camisole de confort qui fait de nous un nouveau genre d'aliénés, car nous coopérons et acceptons cette contrainte de plein gré.

J'ai découvert ma propre aliénation le jour où j'ai dû mettre une oreillette au bureau, "pour plus de confort". Bien sûr, j'avais les mains libres alors que le petit appendice électronique était bien attaché à mon organe auditif. Ainsi je suis devenu un être fonctionnel connecté physiquement à son outil de travail. Bien sûr, il y a un aspect pratique, mais ce confort est insidieux. Je suis devenue l'outil et celui-ci s'est introduit dans mon corps. Quelques violentes migraines m'ont rappelée à la réalité.
Alors que le casque téléphonique prenait mes oreilles et ma voix, l'écran occupait mes yeux. Il n'y avait plus d'autres bruits et plus d'autres images que celles véhiculées par les instruments: Mon univers était sévèrement limité.

Les autres employés parlent de cette entité mystérieuse, invisible, qui les utilise, les nourrit, les achète et les vend (je parle des fusions et acquisitions des sociétés). Certains dépriment comme des vaches en stabulation, sans compter qu'ils subissent également l'aliénation extérieure : les transports -à Paris- qui opèrent ce que j'appelle "la grande déportation quotidienne".

L'Internet reste encore une fenêtre ouverte dans l'univers de l'aliéné moderne, un moyen d'évasion et une connection à autrui, même si le contact et l'addiction à la machine deviennent tout aussi malsains. Le contact humain, les blagues entre collègues sont le sel d'un quotidien devenu très dur humainement. c'est un plaisir pur, indépendant du confort.

Je me demande parfois où est l'aliénation : au travail? A la maison? A la télévision? Aussi, mais rien ne nous empêche de zapper. D'une manière générale, le confort moderne est devenu inconfortable. Nous devenons fous : l'aspirateur tombe en panne, nous voilà en train de nous arracher les cheveux chez Darty un samedi après-midi bondé de gens comme nous. L'ordinateur ne marche plus, nous n'avons plus de vie sociale.

Notre rapport au travail et à la réalité a changé, notre rapport aux plaisirs aussi: tout passe par une entité intermédiaire. Le bonheur des citadins dépend entièrement de l'organisation des administrations et des machines. Le raffinement et la technologie sont devenus nos ennemis : leur rôle était de nous amener à des plaisirs plus élevés, mais ils ont du même coup fait obstacle aux plaisirs les plus simples.
Nous sommes devenus les esclaves de notre propre confort.

jeudi 27 novembre 2008

Michel Lotito , Monsieur Mange-tout

Monsieur Lotito a bel et bien mangé un avion il y a quelques décennies. Il a l'humilité et le sens de la dérision d'un monstre de foire, mais il a aussi le génie du "performer". Comme lui, nous mangeons et digérons des choses étranges, inappropriées - à un autre niveau bien sûr, celui des médias et du savoir-, mais comme pour lui le suspense est lourd : Quel sera le produit de cette transmutation?